Avec TV5 Monde, Guy Martin rappelle à la cuisine mondiale la grande tradition française

Publié le par interviewexclusive

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uy Martin, le grand cuisinier, propriétaire et chef du Grand Véfour à Paris, natif de Bourg-Saint-Maurice, était en pays de Savoie pour le tournage par TV5 Monde, d’ « Épicerie fine », une émission qu’il a initiée, avec la volonté d’aller à la rencontre, dans la France entière, de tous les producteurs et cultivateurs locaux. La première se déroulant sur le lac Léman, à Thonon, au contact des pêcheurs, en Beaufortain et Tarentaise, à la rencontre des producteurs de beaufort et de persillé de Tignes.  Elle a été suivie de 34 autres émissions tournées en France, actuellement diffusées dans les programmes de TV5 Monde pour 19 pays et 210 millions de spectateurs. Retransmise le 18 février 2012, l’émission sur le beaufort est à retrouver sur le site de la chaine de télévision. http://www.tv5.org/cms/chaine-francophone/Revoir-nos-emissions/Epicerie-fine/Episodes/p-20205-lg0-Le-Beaufort.htm

« Je veux mettre en valeur les cultivateurs, toutes ces personnalités qui perpétuent les traditions, les patrimoines, les produits de qualité de la gastronomie française… » Tel est l’horizon de Guy Martin, en se prêtant à cette émission « Épicerie fine ». 

Grosse organisation, donc, que le cuisinier du Grand Véfour prend avec sérénité et simplicité. « Il est légitime de parler des savoir-faire, des gens qui les détiennent, de leur rendre hommage ». Il est le moteur, l’encenseur, mais il n’aura de cesse tout au long du week-end de s’effacer devant les agriculteurs, les paysans porteurs de savoirs ancestraux à préserver.

Premier rendez-vous en Beaufortain, le Cormet de Roselend et la ferme de Christian Juglaret, le président de la coopérative laitière de Haute-Tarentaise à Bourg-Saint-Maurice, productrice de beaufort.

  

La Savoie au cœur du monde

 

Guy Martin, connaît bien son pays natal, il est dans son élément et sa capacité d’écoute sans manière ni supériorité fait que les relations s’établissent vite, l’échange est immédiat et le film enregistre tout l’exergue de la vie locale et de ses fruits. « Je veux expliquer cette vie, amener les gens à entrer dans le détail de ces existences. » Pour la caméra, il interroge chaque geste, chaque transformation, l’herbe, les troupeaux, les saisons, les méthodes, les coups de main. C’est bien plus.

« S’il n’y a plus ces gens qui font tous ces fromages, tous ces produits, on n’est plus rien ». Guy Martin parle là d’un art de vivre, d’une philosophie qui traverse sa cuisine, sa carrière, plus largement toute sa vie. « Ce qui importe, ce sont ces rencontres. Cela vaut le coup de prendre le temps de ces journées au contact de ceux qui sont dans ces territoires et qui font nos produits. » 

 

Comment la Savoie, votre pays, se retrouve dans votre cuisine ?

 

Tout d’abord dans la rigueur ? La rigueur du respect du produit, des gens qui le font, de la nature,  du vrai. C’est quelque chose de très ancré en moi. Une philosophie de vie.  La cuisine de Savoie a été oubliée ou presque et pourtant pendant 7 siècles, elle a été une des meilleures d’Europe. Maître Chiquart dans son traité sur la cuisine de Savoie (Maître Chiquart, cuisinier du Duc Amédée VIII de Savoie, a écrit en 1420 « Du fait de cuysine ») dit une chose essentielle : et si dieu le veut, prenez une volaille de la meilleure provenance. Voilà tout le sens de ma recherche. 

 

Comment se manifeste la présence de la Savoie à votre table ?

 

Par exemple, mon plateau de fromages est un plateau de Savoie et de France. Au moment du café, je sers toujours du biscuit de Savoie préparé dans l moule que m’a donné ma grand-mère. J’ai beaucoup travaillé avec Monique Lansard qui m’a énormément aidée à découvrir et intégrer la tradition savoyarde.

 

Si Guy Martin est venu à la cuisine, comme il le dit par hasard, il sait que chez lui, avec sa mère, il a goûté et priorisé… 

 

Une cuisine riche de diversité, un moment de partage, un langage qui n’a pas de frontières. Qui est juste l’envie d’aimer cet échange. Quand je n’aurais plus la passion dans ce métier, quand je n’aurais plus cette envie, j’arrêterais !

 

Le plus grand respect pour mère Nature

 

Après le Cormet, l’équipe et Guy Martin rejoignent la coopérative laitière de Haute-Tarentaise où toute l‘équipe au travail le dimanche lui montre par le détail le processus de fabrication du beaufort. L’enchaînement des gestes, la mécanisation, et au terme des caves d’affinage remplies de plus de 20 000 meules, sur des dizaines et dizaines d’étagères immenses. Impression saisissante de petits êtres au seuil d’une richesse supérieure, dont ils sont les acteurs, convaincus d’une fragilité autant que d’une puissance qui appelle toute leur attention et le devoir d’être à la hauteur.

Là est la raison profonde de la mobilisation de Guy Martin pour cette émission, revenir à la source, à la matière première, naturelle, inconditionnelle, et à la matière humaine qui a façonné au fil de siècle un art de l’adaptation, de l’intégration, de la perpétuation. Simplicité, gentillesse, écoute, admiration du bonhomme, mais dans son œil, s’agite sans cesse la quête de la qualité. Une revendication qu’il veut partager partout, dans toutes les régions de France.

Cette qualité qu’il rejoint chez Paulette Marmottan, à Salève et en dessous du Monal, sur les hauteurs de Sainte-Foy Tarentaise. La dernière à fabriquer le persillé de Tignes. Fromage au lait cru, granuleux à l’intérieur, à basez de lait de vache et de chèvre. Guy Martin, dans l’alpage s’essaye à la traite du soir, sur place, avant de redescendre sur Salève, à la ferme voir tout le cycle de préparation du fromage.

 

Lui qui est originaire d’ici pourquoi n’est-il pas revenu développer son art culinaire en Savoie ?

 

La Savoie ne me quitte pas. Fin décembre j’ai racheté le Grand Véfour. Avec la Banque populaire de Savoie. Elle a toujours été ma banque, elle m’a encore une fois suivi. Ce qui surprend toujours les Parisiens. Il est important pour moi de continuer à travailler avec les Savoyards. On est dans le respect, il n’y a pas d’entourloupe, les choses sont claires.  Je m’attache, au Grand Véfour, à préserver ces identités, ces savoir-faire. C’est important pour moi d’aller retrouver le beaufort, le persillé, le safran de Haute-Maurienne.

 

Il ajoute à cette ligne de fond…

 

 J’ai retrouvé des ancrages locaux. J’ai développé une société de conseil et je travaille avec l’hôtel-restaurant Le Lana, que j’ai repris à Courchevel avec Brigitte Lacroix. J’ai aussi créé, à Allevard, le Trianon Guy Martin.

 

Autant de points qui expriment l’attachement et le maintien du lien avec les racines personnelles de cet homme surprenant d’accessibilité, de générosité et d’identité.

 

Photos : Daniel Giry

Interview : Luc Monge

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