Laurent Gerra : son humour cinglant se ressource en Savoie

Publié le par interviewexclusive

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n quasi-permanente tournée, depuis mai 2010 et ce jusqu’en fin 2012, pour son spectacle actuel, très music-hall, avec le grand orchestre de Fred Manoukian, Laurent Gerra était à Lanslebourg (Haute-Maurienne) pour inaugurer un auditorium. Salle de spectacle choisie par la cité mauriennaise pour porter son nom. Lui le Savoyard d’origine, pétri de montagne, a trouvé ici un lieu où la postérité le salue de son vivant. Rencontre.

 

L’air constellé d’un bleu à peine automnal, les cimes mauriennaises ont le sourire. Non seulement pour cette nature à la fin d’année généreuse en beauté, mais avec la présence d’un des imitateurs, chansonniers, humoristes, des plus talentueux. Il en rit, quand on le lui fait remarquer, mais lui le très détendu, simple et chaleureux Laurent Gerra, se voit accosté d’un clin d’œil par une auguste féminité, son nom pour l’éternité au fronton d’un lieu dédié à la culture. L’auditorium de Lanslebourg et de toute la Haute-Maurienne.

 

Laurent Gerra est chez lui, il a un chalet sur les hauteurs du village. « Je suis très honoré, très flatté du choix de Lanslebourg. Je viens le plus souvent possible ici. Mes origines sont savoyardes, mauriennaises. Mon grand-père est du Freney, mon arrière-grand-mère est une Bonetti. »

 

La montagne, il la parle, mais ne peut s’empêcher de la regarder, de la montrer. S’il n’a pas grandi réellement ici, il y a passé, enfant, de très nombreuses vacances

 

Je venais pour le ski, la montagne. Quand je me suis éloigné et que je suis revenu, il y a 16 ans, rien n’avait changé. Tout est resté authentique. On peut venir en toute saison, la montagne est toujours exceptionnelle. Le village de Lanslebourg garde toujours ses magasins ouverts, il y a de l’activité en permanence. Quand j’ai pris mon année sabbatique, c’est ici que je suis venu. Il y a tout ce qu’il faut pour être heureux.

 

Un gastronome de l’imitation et de la nature

 

D’une manière ou d’une autre dans vos spectacles vous faites transparaître cet amour de la montagne ?

 

À travers certains personnages, oui. Non la montagne, c’est une fascination. Dès que je vois des montagnes, je me sens mieux. Avec elles, il y a quelque chose d’authentique. On peut vivre de vraies saisons marquées. Il n’y a pas un jour où je ne sors pas, quel que soit le temps. Randonnée, ski, balade et ramassage de plantes.

 

Laurent Gerra cite alors son ami Marc Veyrat, qui va le rejoindre pour la soirée. « Quand nous partons ensemble, nous ramassons toujours des plantes. Avec ma mère aussi. On ramasse par exemple le chénopode, l’épinard sauvage… »

 

Vous écrivez vos spectacles ici ?

 

Un certain nombre de choses oui. Dans mon bureau qui donne sur la Dent Parrachée. Notamment toute la fin du spectacle que je donne en ce moment, celui de ce soir, je l’ai peaufinée ici.

 

Qu’est-ce que vous trouvez à Lanslebourg, un art de vivre, une gastronomie, un air à part ?

 

Avoir un chalet en Savoie, c’était un rêve de gosse. Pas facile à réaliser. Quand on n’est pas d’ici, on ne vous octroie pas aisément une maison. Mais, je l’ai trouvé, il est de 1989, l’année où j’ai commencé. C’est resté préservé, j’y ai mes amis. Je vais très souvent manger à La Clé des Champs. Je donne toujours le départ de la Grande Odyssée, avec Nicolas Vannier.

 

Malgré sa très grande notoriété, il circule dans la rue comme n’importe quel citoyen. «Les gens sont formidables. Ils sont respectueux. On peut vivre tranquillement.» 

 

Fidélité, amitié, partage, les mamelles de l’humoriste

 

Cette postérité qui vous tombe dessus, qu’en dites-vous ?

 

Plutôt que cette dimension d’éternité, il s’agit d’une vraie histoire d’amitié. Et dans les deux cas. Oui j’ai déjà une salle à mon nom. A Carcès, dans le Var. Une histoire d’amitié et de fidélité avec Jean-Louis Aléna, le maire (présent à Lanslebourg). Lanslebourg et Carcès sont deux régions qui me tiennent à cœur.

 

La Carcès provençale comme la Haute-Maurienne, des lieux de pleine nature. De dynamique, de vie et de relations humaines…

 

Quand on est un artiste, c’est bien d’avoir un lieu dont on peut faire profiter. À d’autres artistes, à la vie locale. Et il faut que les artistes aient leur mot à dire dans la réalisation de ces lieux culturels, de spectacles. J’ai moi-même suivi les travaux de l’auditorium. Nous sommes en prise directe avec eux, les vivons dans nos tournées, on peut être utile pour la qualité de ces lieux.

 

À travers tout ça, l’imitateur, comme il le fait de son art, retient la dimension du partage

 

J’ai deux salles à mon nom, par passion pour des régions et ses gens. C’est comme d’avoir son nom au fronton de l’Olympia. J’ai aussi la chance de faire du vin. Du pouilly-fuissé, moulin à vent et du côte de Provence. Là aussi, c’est une histoire d’amitié. J’ai aidé un producteur dans son activité. On a fait une cuve, et j’ai acheté des vignes. Et puis j’ai eu mon vin. J’ai veillé à la qualité. Le vin c’est avec moi depuis longtemps. Il ne me manque plus qu’un vin de Savoie. Quand j’étais enfant, j’ai habité Seyssel.

 

Rien dans ses propos ne laisse supposer quoi que ce soit de présomptueux. Plaisir, relation, amitié, valeurs et parenté retiennent tout ce qui le mobilise. Il ne cache pas son émotion durant l’inauguration, en présence de toute sa famille : de sa grand-mère à ses parents. “Je suis d’autant plus touché que j’ai une relation particulière avec la Haute-Maurienne. J’ai ce soir mes deux maires, plus la mienne (mère). C’est une histoire de mères (maires)…”

Plein de verve, de piquant, de coups de griffe tous azimuts, de joie à jouer, à se revêtir des grands chanteurs français, passant d’une voix l’autre avec une dextérité renversante, il ne quitte pas un instant le rire d’une salle admirative.

 

Interview : Luc Monge

Photos : Daniel Giry

 

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